Les croyances autour des chiffres au Japon : entre superstition et symbolique


Dans la culture japonaise, les chiffres ne sont pas de simples outils de mesure ou de calcul. Ils portent des significations profondes, parfois positives, parfois inquiétantes. Qu’il s’agisse de chance, de malédiction ou de symbolique bouddhiste, les chiffres influencent le quotidien des Japonais bien au-delà des mathématiques. Des choix de dates pour les mariages à la numérotation des chambres d'hôtel, en passant par les pratiques funéraires, cette symbolique numérique imprègne de nombreuses sphères de la vie. Découvrons ensemble comment ces croyances façonnent les habitudes, les traditions et même l’architecture du Japon moderne.

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Les chiffres de la malchance au Japon

Le chiffre 4 : symbole de la mort

Le chiffre 4 est sans doute le plus redouté au Japon. La raison est simple : le mot “quatre” se prononce “shi” (し), une homophonie directe avec le mot “mort” (死). Ce jeu sonore est suffisant pour provoquer une aversion généralisée envers ce chiffre.

Dans les hôpitaux, les hôtels ou les immeubles modernes, il n’est pas rare que le quatrième étage soit tout simplement absent, remplacé par “3A” ou “5”. De la même manière, les cadeaux ne doivent jamais être donnés par quatre, car cela est considéré comme porter malheur. On évite aussi les plaques d’immatriculation contenant un 4, ou encore les sièges numérotés 4 dans les trains express ou les avions. Dans le domaine des affaires, les entreprises font preuve de la même prudence : évincer ce chiffre, c’est éviter un mauvais présage.

Le chiffre 9 : douleur et souffrance

Le 9 est également mal vu, car sa lecture alternative “ku” (く) évoque la souffrance, la peine, ou l’agonie (苦). Cette connotation de douleur est profondément ancrée dans l'imaginaire collectif. C’est pourquoi le chiffre 9 est souvent évité dans les maternités, les hôpitaux, ou lors de cérémonies importantes comme les mariages.

Offrir un objet en neuf exemplaires serait perçu comme de très mauvais goût, notamment lors des événements heureux. Même dans les universités ou les grandes entreprises, on évite d’attribuer des casiers ou des salles contenant ce chiffre. L'évitement du 9, tout comme celui du 4, est l'expression d'une volonté d'harmonie sociale et de respect des sensibilités traditionnelles.

Les chiffres porteurs de chance

Le chiffre 7 : spiritualité et chance

À l’inverse, le chiffre 7 est très bien perçu. Il est associé à la chance, à la spiritualité bouddhiste et à la prospérité. On retrouve d’ailleurs cette symbolique dans plusieurs éléments culturels :

  • Les 7 divinités du bonheur (Shichifukujin), souvent représentées sur des bateaux durant la nouvelle année

  • Le septième jour après un décès, moment clé dans les rites funéraires bouddhistes, marque une étape spirituelle importante

  • Le 7 juillet est aussi le jour de la fête des étoiles (Tanabata), une célébration romantique inspirée d'une légende chinoise

Le chiffre 7 est donc rassurant et propice aux bonnes énergies. Il est souvent choisi dans les numéros de téléphone, les adresses ou les noms de produits pour porter chance. Les familles préfèrent également les dates incluant un 7 pour les célébrations importantes, renforçant son aura positive.

Le chiffre 8 : abondance et croissance

Le 8 (hachi) est un autre chiffre très favorable. Sa forme évoque une ouverture, une expansion, et sa prononciation douce est perçue comme harmonieuse. Dans la culture chinoise, très influente au Japon, le 8 est synonyme de prospérité, ce qui a été repris dans certains usages nippons :

  • Beaucoup de noms de marques, plaques d’immatriculation ou numéros de téléphone intègrent le chiffre 8 pour attirer le succès

  • Les fêtes de la moisson ou de transition incluent souvent le chiffre 8 dans leur calendrier

  • Le caractère kanji du 8 (八) s’ouvre vers le bas, symbolisant une expansion continue et donc, une prospérité croissante

Certains temples japonais proposent même des rituels en lien avec ce chiffre, comme des tours de cloche ou de sanctuaire répétés huit fois pour invoquer la richesse. Le chiffre 8 n’est pas seulement un porte-bonheur : il incarne aussi une vision optimiste du futur.

L'impact de ces croyances dans le quotidien japonais

Architecture, hôtellerie et numérotation

Il n’est pas rare au Japon de constater que certains étages sont “sautés” dans les ascenseurs, notamment les étages 4, 9, ou 49, qui cumulent les deux mauvais chiffres. Ces absences ne sont pas des erreurs techniques, mais bien des choix délibérés fondés sur la superstition. Les grands hôtels, les hôpitaux, voire certains immeubles résidentiels, adaptent leur numérotation pour éviter l'inconfort des clients ou résidents.

Dans les hôpitaux, les chambres numérotées 4 ou 9 sont souvent modifiées, évitées ou remplacées. Ce phénomène se retrouve également dans les avions, les trains à grande vitesse et même dans la numérotation des sièges de spectacles. Les promoteurs immobiliers vont jusqu'à valoriser les appartements comportant des 7 ou des 8, souvent vendus plus cher pour leur potentiel « chanceux ».

Cadeaux et chiffre d'offrandes

Les cadeaux, notamment lors des mariages ou des funérailles, doivent toujours être offerts en quantités symboliques. La superstition ne concerne pas seulement le nombre d’objets, mais aussi la symbolique que le chiffre renvoie :

  • Éviter 4 ou 9 objets

  • Privilégier 1, 3, 5, 7 ou 8, souvent considérés comme positifs

  • Dans les enterrements, offrir de l'argent (kōden) dans des montants qui excluent le 4 ou le 9 est impératif

Même les liasses d’argent offertes dans les enveloppes de condoléances ou de mariage sont comptées pour éviter les chiffres “infortunés”. Les boutiques de souvenirs, de kimonos ou de thé, adaptent souvent leurs lots de vente à ces normes pour ne pas froisser la sensibilité japonaise.

Les chiffres et la spiritualité japonaise

Le rôle des chiffres dans le bouddhisme

Dans la tradition bouddhique japonaise, certains chiffres revêtent une grande importance spirituelle :

  • 108 : nombre de désirs humains selon le bouddhisme, qu’on cherche à purifier lors du passage à la nouvelle année en faisant sonner les cloches des temples (Joya no kane). Ce rituel, très populaire, est une forme de purification symbolique avant d’entrer dans une nouvelle année.

  • 6 : les six royaumes de réincarnation dans la cosmologie bouddhiste, qui expliquent le cycle des renaissances (rokudō)

  • 3 : référence aux trois joyaux (Bouddha, Dharma, Sangha), piliers fondamentaux de la foi bouddhique

Ces chiffres sacrés influencent de nombreuses pratiques religieuses, rituels funéraires et événements saisonniers. Ils ne sont pas uniquement religieux, mais s’ancrent aussi dans des objets du quotidien comme les sutras, les autels domestiques ou les calendriers bouddhistes.

Les amulettes et objets porte-bonheur chiffrés

Certains objets vendus dans les temples ou les boutiques traditionnelles comportent des chiffres symboliques. Par exemple :

  • Des omamori marqués du chiffre 7 ou 8 pour la chance

  • Des sets de clochettes vendues par 5 ou 7 unités pour garantir la protection des foyers

  • Des encens proposés par lots de 108, pour faire écho aux désirs humains à purifier

Ces objets spirituels combinent esthétique et symbolisme numérique. Ils incarnent une forme de continuité culturelle, où chaque chiffre évoque un souhait, une intention ou une bénédiction spécifique. Même dans les boutiques touristiques, ces chiffres sont mis en avant pour séduire les visiteurs curieux de découvrir une part de spiritualité japonaise.

Pourquoi ces croyances perdurent-elles encore aujourd'hui ?

Le Japon moderne, même ultra-technologique, reste profondément ancré dans sa culture symbolique. Les jeunes générations, même lorsqu’elles ne croient pas littéralement aux superstitions, respectent encore les codes, notamment dans les relations sociales, les cadeaux ou les rituels familiaux. Ce respect des conventions n'est pas vu comme une contrainte, mais plutôt comme une forme de politesse et d’harmonie collective.

Ces croyances sont transmises sans être imposées : elles s’inscrivent dans le quotidien de manière discrète, mais persistante. Elles témoignent d’une culture où les signes, les sons et les formes ont toujours un sens. On ne les remet pas en question : elles sont là pour préserver l’équilibre, éviter les malentendus et créer une continuité entre les générations.

Le maintien de ces pratiques est également renforcé par les médias, la littérature, les films d’horreur japonais (où le chiffre 4 revient fréquemment) ou encore les traditions de fin d’année. Loin d’être une simple superstition désuète, la symbolique des chiffres continue de façonner la culture japonaise contemporaine.

FAQ - Questions fréquentes à propos des chiffres au Japon

Pourquoi le chiffre 4 porte-t-il malheur ?

Parce qu’il se prononce “shi”, comme le mot “mort” (死), ce qui en fait un symbole négatif.

Le chiffre 9 est-il aussi à éviter ?

Oui, car il se prononce “ku”, homophone de “souffrance” (苦), d’où sa mauvaise réputation.

Quels sont les chiffres porte-bonheur au Japon ?

Le 7 pour la chance et la spiritualité, le 8 pour l’abondance et la prospérité.

Faut-il éviter certains chiffres quand on offre un cadeau ?

Oui, il vaut mieux éviter 4 ou 9 objets, et privilégier les chiffres impairs ou le 7 et le 8.

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